Gazoduc Nord Stream 2 : de la discorde au compromis

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Avant de faire l'objet d'un compromis entre Berlin et Washington, le chantier du gazoduc Nord Stream 2 a été au cœur d'une bataille géopolitique et économique. Durant plusieurs années, il a opposé les États-Unis et l'Allemagne, principal promoteur du projet, mais aussi les Européens entre eux, ainsi que la Russie et l'Ukraine.

Finalement, un surprenant revirement de Washington a permis l'élaboration d'un compromis germano-américain pour tenter de clore ce litige même si pour Kiev, ce gazoduc reste "une dangereuse arme géopolitique du Kremlin".

Doublement de capacité

Nord Stream 2 va relier la Russie à l'Allemagne via un tube de 1 230 kilomètres sous la mer Baltique d'une capacité de 55 milliards de m3 de gaz par an, sur le même parcours que son jumeau Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012. Contournant l'Ukraine, le tracé va augmenter les possibilités de livraison de gaz russe à l'Europe à un moment où la production au sein de l'UE diminue.

Exploité par le géant russe Gazprom, le projet, estimé à plus de 10 milliards d'euros, a été cofinancé par cinq groupes européens du secteur de l'énergie (OMV, Engie, Wintershall Dea, Uniper et Shell). L'Allemagne est au sein de l'UE le principal promoteur du gazoduc, qui, selon elle, l'aidera à accomplir la transition énergétique dans laquelle elle s'est engagée. Tout en faisant de son territoire un hub gazier européen.

Opposants américains et européens

L'Ukraine craint, à terme, de perdre les revenus qu'elle tire du transit du gaz russe et d'être plus vulnérable vis-à-vis de Moscou. Les États-Unis sont depuis le début vent debout contre un aménagement qui affaiblirait économiquement et stratégiquement l'Ukraine, augmenterait la dépendance de l'UE au gaz russe et dissuaderait les Européens d'acheter le gaz de schiste que les Américains espèrent leur vendre.

Les Européens sont divisés. La Pologne ou les pays Baltes s'inquiètent de voir l'UE plier devant les ambitions russes. Même en Allemagne, Nord Stream ne fait pas l'unanimité : les Verts, qui visent la chancellerie ou une participation au gouvernement à l'issue des élections du 26 septembre, y sont fermement opposés.

La succession des conflits diplomatiques avec Moscou, de l'affaire Navalny aux soupçons de cyberattaques, a nourri les appels à repenser le projet, y compris dans le parti conservateur d'Angela Merkel. En vain. Un rapport de l'institut de recherche économique allemand DIW jugeait en 2018 le gazoduc fondé sur des prévisions qui "surestiment considérablement la demande de gaz naturel en Allemagne et en Europe".

Un chantier presque terminé

L'administration de l'ancien président américain Donald Trump a porté de sérieux coups aux travaux en votant en 2019 une loi imposant des sanctions contre les entreprises impliquées dans le chantier. Plusieurs sociétés, en raison de ces pressions, se sont retirées du projet, notamment du côté des assureurs couvrant le chantier.

Entamé en avril 2018, le chantier a, de ce fait, été interrompu en décembre 2019 alors qu'il ne restait que 150 kilomètres de tube à poser dans les eaux allemande et danoise. Il a repris un an plus tard et le gazoduc est désormais quasiment achevé. Les travaux sont conduits par la société Nord Stream 2 AG qui a son siège en Suisse. Son PDG, l'Allemand Matthias Warnig, a récemment indiqué que la construction devrait être terminée fin août.

Solution en vue

Le démocrate Joe Biden a entamé sa présidence sur une ligne extrêmement hostile à Nord Stream 2, dans la lignée de ses prédécesseurs. Mais, de façon inattendue, l'administration américaine a annoncé fin mai qu'elle renonçait à sanctionner Nord Stream 2 AG, chargée d'exploiter le gazoduc, levant un obstacle essentiel à sa mise en service.

Après plusieurs semaines d'intenses négociations, les États-Unis ont annoncé le mois dernier un accord avec le gouvernement allemand pour clore leur dispute. Parmi les principales dispositions : de possibles sanctions contre Moscou en cas de dérapage, et un engagement de Washington et Berlin à plaider ensemble pour le prolongement de dix ans des mesures garantissant le transit par l'Ukraine du gaz russe.

Joe Biden a renoncé à bloquer le projet, estimant qu'il était trop tard et qu'il valait mieux miser sur l'alliance avec l'Allemagne dont Washington souhaite s'assurer la coopération dans d'autres dossiers, notamment face à la Chine.

Commentaires

studer
Ce que ne précise pas l'article, c'est la stratégie perfide de l'Allemagne, ou plutôt de Merkel. Pourtant favorable au nucléaire (c'est une physicienne qui connaît bien le potentiel de cette énergie) elle y a renoncé en 2011 suite au tsunami japonais pour éviter une défaite annoncée aux élections régionales. Elle est très consciente que sans nucléaire, les éoliennes qui produisent de manière intermittente ne pourront soutenir son industrie donc son économie hégémonique sur l'UE, elle mise donc sur le gaz pour le remplacer tout en affichant un discours hypocrite sur la protection du climat : car le gaz émettant du CO2, et remplaçant le nucléaire qui n'en émet pas, l'Allemagne qui est déjà le mauvais élève de l'Europe va encore aggraver son score. Mais le pire est à venir : Merkel est aussi consciente que si la France conserve son parc nucléaire voire le renouvelle ave des EPR, ses entreprises vont disposer d'une énergie abondante et bon marché, donc vont pouvoir concurrencer les industries allemandes. Et ça elle ne le veut pas : aussi elle père de tout son poids au sein de l'UE pour que le nucléaire français soit exclu des financements communautaires (Green Deal), comme elle a pesé de tout son poids face aux USA pour qu'on la laisse s'équiper de gaz russe, seule solution pour produire assez d'électricité pour son économie. Le CO2 ? Elle s'en fout, les écolos étant (pour l'instant) calmés avec la sortie du nucléaire. Pire encore : si Nord Stream 1 et 2 fonctionnent correctement, l'Allemagne sera le "hub" gazier de l'UE, c'est à dire qu'elle tiendra tous les Etats membres de l'UE par la barbichette ... au moins ceux qui ne lui auront pas fait de bras d'honneur en conservant leur énergie nucléaire. Et il en reste peu, l'Espagne et la Belgique l'ayant suivi dans sa politique antinucléaire et se retrouvant actuellement dans une impasse : il leur faut construire en urgence des centrales au gaz (c'est bon pour les finances allemandes et... russes) et le prix du kWh atteint des sommets (le gaz ne fait qu'augmenter) au point que les Etats, craignant une révolte populaire, suppriment la TVA sur l'électricité pour masquer une partie des augmentations. Tout ceci à cause de l'idéologie antinucléaire des Grünen (Verts allemands) et de la stratégie perfide de Merkel. Macron sera-t-il assez naïf pour se faire avoir, en cédant à Merkel voire à la Commission européenne et en renonçant au nucléaire ? Si c'est le cas il sera le responsable de la chute précipitée de notre pays au rang des nations sous-developpées.

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