EPR de Flamanville : Chargement de combustible terminée

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Il y a eu des embrassades et même des "petites larmes": après 17 ans d'un chantier laborieux, chacun a célébré à sa manière le lancement "historique" du réacteur nucléaire de nouvelle génération EPR de Flamanville, où vient de se terminer l'étape clé du chargement du combustible.

Chargement « millimétré »

Un premier jalon clé vient d'être franchi : "le chargement du combustible s'est terminé hier (mercredi) aux alentours de 12h", a indiqué jeudi l'ASN. La manœuvre longuement préparée, y compris avec de faux assemblages, avait débuté le 8 mai, au lendemain du feu vert à la mise en service.

Dans le bâtiment réacteur, cathédrale de béton coiffée d'un dôme de 50 m de diamètre, les opérateurs ont pendant toute une semaine vécu "dans leur bulle": rien ne devait perturber cette "opération millimétrée" qui aura mobilisé une trentaine de personnes 24h/24, a expliqué Fabien Cudelou, chef du chargement du combustible.

Environ 60 000 crayons, de fins tubes longs de 5 mètres contenant des pastilles d'uranium, devaient être insérés dans la cuve de 10 mètres de haut, à l'aide d'une immense machine montée sur rails faisant des va-et-vient depuis le bâtiment d'entreposage du combustible.

La manœuvre a été réalisée sous une épaisseur de 20 mètres d'eau pour protéger des effets de radioactivité, même si le combustible est "neuf", donc non irradiant, selon EDF.

Le chargement terminé et la cuve refermée avec son couvercle, la montée en pression et en température de la chaudière jusqu'à un premier jalon à 110 degrés va désormais pouvoir commencer.

« Divergence » vers fin juin

Pour la suite des opérations, il faudra encore des autorisations. Notamment avant de lancer la "divergence", la première réaction de fission nucléaire, vers fin juin selon l'ASN, le "moment qu'on attend tous", assure Alain Morvan.

Puis lorsqu'EDF atteindra le palier de 25% de puissance. A cette étape, le réacteur pourra être raccordé au réseau électrique (le "couplage") et livrer ses premiers électrons, au cours de l'été.

Ce sera alors au tour de la turbine Arabelle 1000, 70 m de long, le modèle le puissant du monde, d'entrer en action : au "couplage", l'engin, qui attend son heure dans la salle des machines, tournera à 1 500 tours/minute pour produire l'électricité, mue par la vapeur créée grâce à la chaleur du réacteur.

Production à 100% de puissance attendue en fin d'année

Un ultime avis sera requis au franchissement du palier à 80%, avant la production à 100% de puissance, escomptée en fin d'année.

Fin 2025, le réacteur devra être arrêté pour une visite de maintenance, et le couvercle de la cuve remplacé courant 2026 en raison d'anomalies connues de longue date.

En raison des nombreux déboires du chantier, qui a vu sa facture quadruplée à 13,2 milliards d'euros, selon EDF, les associations écologistes s'interrogent toujours sur la fiabilité de l'EPR, Sortir du Nucléaire regrettant "une mise en service hâtive".

"Oui, il y a eu des moments douloureux (...) mais on a toujours rebondi et aujourd'hui on a une installation avec un haut niveau de qualité", et "qui sera sûre", promet Alain Morvan.

Une première depuis 22 ans

Douze ans après la date prévue, les équipes EDF voient le bout du tunnel, avec la mise en service du 57e réacteur du pays, une première depuis 22 ans.

"Cela fait 20 ans qu'on n'en a pas construit en France, c'est vraiment une très grande fierté pour les équipes", a dit le directeur du projet Alain Morvan à des journalistes, lors d'une visite le 10 mai dans les entrailles du réacteur alors en pleine manœuvre de chargement de l'uranium.

Face à la Manche, à côté de deux réacteurs plus anciens, ce premier réacteur nouvelle génération construit en France (4e de ce type installé dans le monde) sera le plus puissant du pays. D'une capacité de 1 600 mégawatts (MW), il permettra d'alimenter près de trois millions de ménages.

Commentaires

Hervé MOULINIER
Une fois dans la seringue il est heureux qu'on en sorte et le plus tôt possible, mais j'espère que l'on tirera des leçons de l'expérience qui consiste à dépenser 13 milliards d'euros pour gagner 10% de la puissance par rapport aux réacteurs de phase 4, même si on ne peut espérer de sanctions comme cela aurait été le cas dans une entreprise normale.
Schricke Daniel
D'uns façon générale, il est beaucoup plus facile de répondre aux données d'un problème (Complexe !) quand on connaît le résultat, mais, comme le remarquait un certain Pierre Dac, avec beaucoup d'à-propos, (je cite): "Il est toujours difficile de faire des prévisions... surtout quand elles concernent... l'avenir !..." La critique est toujours plus facile que l'action, en effet, surtout quand il s'agit de problèmes techniques et scientifiques aussi complexes !
Hervé MOULINIER
Bien sûr, que c'est complexe et facile à dire après coup, mais ayant plus de 40 d’ingénierie des systèmes complexes derrière moi et connaissant plusieurs personnes ayant travaillé sur ce réacteur, de nombreuses mauvaises décisions de management ont été prises et jamais le projet n'a été remis à plat comme on doit le faire dans des conditions d'écart aussi énormes. Ce ne sont d'ailleurs pas les audits qui manquent sur le sujet! Et puis quand même, qu'est ce qui justifie d'engager une nouvelle génération pour si peu de gain de puissance et un tel montant même initial. Une autre preuve en est que les 6 +8 autres EPR n'auront pas la même conception.Cela étant je préfère que l'issue technique soit positive. Je dis simplement que toutes les conclusions n'ont pas été tirées.
Schricke Daniel
Vous avez sans doute raison, en ce qui concerne une certaine (et évidente !) cacophonie, et une succession de décisions discutables concernant ce chantier... Mais, ne conviendrait-il pas, aussi, de se demander sous l'influence de qui (ou de quels organismes) ont été prises ces décisions et orientations ? Est-on en mesure d'affirmer qu'aucun organisme (même et surtout, officiel !...) mu plus par une idéologie hostile au nucléaire que par une logique scientifique, économique ou industrielle, ne soit venue contrarier le cours normal de ce chantier hors normes ?... En effet, quand on examine certaines décisions prises au plus haut niveau dans la décennie 2010-2020, on est en droit de se poser certaines questions ?... qui fâchent ! Non ? Sinon, comment expliquer que l'on soit passés, brutalement, d'une production régulière, rapide, et sans problèmes majeurs (plan Messmer) de deux à 3 réacteurs par an, sous la responsabilité d'EDF, louée par tous, au "marasme" relatif de Flamanville ? (en passant par l'arrêt controversé de "Superphénix"...), en perdant (définitivement ?) notre expertise reconnue en la matière...
Hervé MOULINIER
ça j'en conviens et qu'il y ait des courants de nature politique hostiles, mais je ne peux pas imaginer que cela ait pu conduire à torpiller le projet en interne. D'ailleurs la prétendue perte de compétence est toute relative, elle est peut être avérée dans la métallurgie des cuves et encore, la non qualité y a été couverte ou dissimulée par le management, mais EDF et ses pseudo-filiales comme RTE gardent une capacité à maitriser de très grands projets (sinon il y a de quoi s'inquiéter sur la prolongation du parc). Je distingue l'arrêt de Superphoenix controversé et surtout celui d'Astrid qui sont potentiellement un virage dangereux, du cas de l'EPR dont les principes physiques sont parfaitement connus et maitrisés. Et puis au rythme ou le plan Messmer construisait, on aurait pu alimenter toute l'Europe...ce qui n'est pas du tout réaliste au niveau géopolitique. donc des investissements prévus pour 60 ans ou même 40 et pour se défaire d'une partie du choc pétrolier il fallait bien que ça s'arrête et le trou était prévisible. Personne n'aurait adhéré en 1995 au remplacement des fossiles par de l'électricité dans les autres usages que la production électrique. Même maintenant on a du mal à s'y résoudre et pour y arriver on a besoin du nuc et des renouvelables. Cdlt
Geneviève
merci pour toutes ses infos et merci à vous en particulier

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