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L'envolée des prix de l'énergie est une "bombe à retardement", estiment les associations d'aide aux plus démunis mais aussi les syndicats, qui craignent une explosion de la précarité énergétique.
"Avec l'hiver qui approche, on est vraiment très inquiets", confie Marie-Françoise Thull, secrétaire nationale du Secours populaire. "On n'a jamais aidé autant de personnes à payer leurs charges." L'énergie est devenue, après l'alimentation, le deuxième poste d'aide du Secours catholique, précise son chargé de mission Précarité énergétique, François Boulot.
Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, dit craindre "la paupérisation" et "la précarisation de centaines de milliers de familles". "Un problème majeur" souligné également par la CGT.
En 2019, 11,9% des ménages (3,5 millions) étaient en situation de précarité énergétique, c'est-à-dire qu'ils dépensaient plus de 8% de leurs revenus pour payer leur facture, d'après l'indicateur du taux d'effort énergétique fourni par le ministère de la Transition écologique.
Selon le Médiateur de l'énergie, 671 546 ménages ont subi l'intervention d'un fournisseur (suspensions, réduction de puissance) en 2019 à la suite d'impayés (+17% par rapport à 2018). En 2020, année du premier confinement, les interventions pour impayés ont certes baissé de 18% mais il s'agit d'une "baisse en trompe-l'œil", selon le Médiateur. En raison de la crise sanitaire du Covid-19, la trêve hivernale des coupures d'énergie a été prolongée de trois mois.
Un simple sursis pour la fondation Abbé-Pierre qui estime dans son dernier rapport annuel sur l'état du mal-logement en France que "le dégel des procédures risque d'être très dur. C'est une bombe à retardement".
Aides complexes, peu lisibles, insuffisantes
Pour Marie Moisan, chef de projets précarité énergétique au sein du CLER, Réseau pour la transition énergétique, il y a même "une double bombe : les factures arrivent et les demandes de coupures ont lieu avant la prochaine trêve hivernale du 1er novembre, et ensuite les prix s'envolent".
Selon le gouvernement, 5,8 millions de ménages modestes sont bénéficiaires du chèque énergie, qui remplace depuis 2018 les tarifs sociaux de l'énergie. D'un montant de 150 euros en moyenne, il est versé en fonction du revenu fiscal. Un chèque exceptionnel de 100 euros sera alloué en décembre pour faire face à l'augmentation actuelle des prix de l'énergie. D'autres mesures devraient être détaillées jeudi au 20 heures de TF1 par le Premier ministre Jean Castex.
"Une facture de chauffage, c'est en moyenne 1.500 euros par an. Le chèque énergie en représente 10%. Cela aide très marginalement", explique François Boulot, du Secours catholique, qui demande "une augmentation sensible pour les plus précaires" sous le seuil de pauvreté.
D'autres aides peuvent aussi être délivrées par les centres communaux d'action sociale, les caisses de retraite ou d'allocations familiales, ainsi que par le Fonds de solidarité logement (FSL) piloté par les départements. Des soutiens variables selon les territoires et complexes à obtenir.
"Dans tous nos points d'accueil, on propose une aide à toutes les démarches administratives et juridiques parce que les gens n'ont pas facilement accès à leurs droits", relève Marie-Françoise Thull, du Secours populaire.
En 2018, le nombre de ménages (près de 76 000) qui ont bénéficié du FSL a baissé de 16% par rapport à 2017, selon l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE).
Une baisse là encore en trompe-l'oeil. "Les conditions d'accès au FSL apparaissent complexes et peu lisibles" et "avec des grandes disparités selon les départements, de 5 euros à 333 euros en moyenne par personne en situation de précarité", écrit le Secours catholique dans une analyse des politiques sociales des départements parue le 3 septembre.