En Normandie, le four solaire d'un boulanger fonctionne toute l'année

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"Le problème énergétique, il est beaucoup moins technique que social", estime Arnaud Crétot, boulanger et torréfacteur au nord de Rouen, dont la particularité est de cuire son pain au four solaire.

Béret vissé sur la tête, Arnaud Crétot, 35 ans, accueille dans son jardin de Montville (Seine-Maritime) avec le slogan de son concept Neoloco : "Cultures locales, changement total".

Installé depuis 2020 dans ce petit village normand, il fait cuire son pain et torréfie des céréales biologiques dans son jardin à l'aide d'un mur de miroirs (le concentrateur) qui oriente les rayons directs du soleil vers un point fixe qui chauffe une enceinte hermétique en inox, le four.

Le pain ainsi produit (au four à bois quand le soleil n'est pas au rendez-vous) est en vente en livraison à vélo électrique.

Le modèle était viable économiquement en 2022 pour deux équivalents temps plein au SMIC, assure M. Crétot, le restant des 80.000 euros de chiffre d'affaires étant réinvesti dans la structure.

Chez Neoloco, le pain le moins cher est vendu 5.50 euros le kilo, et 6.50 euros les 200 grammes du mélange de graines torréfiées "éveil résistant", au goût proche du café.

La veille d'une manifestation de boulangers protestant contre le prix de l'énergie qui handicape leurs commerces, M. Crétot, lui, parle de "point de bascule".

"On doit accepter de travailler au changement de notre culture, d'organisation, l'Occident est très bien adapté aux énergies continues, pétrole, nucléaire, gaz ...etc", analyse l'ingénieur, "si l'humain n'est pas capable d'alimenter ses petites activités avec l'énergie qui alimente tous les écosystèmes de la planète, c'est soit un manque d'intelligence, soit un manque de sagesse".

Il y a 15 ans, alors étudiant en école d'ingénieur, il prend conscience que son cursus le prépare à entrer dans des grandes entreprises "qui participent plus au problème qu'à la solution".

Il part alors en stop et sac à dos avec un ami faire un voyage d'étude d'un an sur l'énergie, dans une vingtaine de pays.

Au programme, les champs gaziers en mer du Nord, l'EPR et les hydroliennes finlandais, les centrales solaires d'Andalousie, et surtout un concentrateur solaire en Inde construit par une entreprise, Solar Fire, dont il deviendra le directeur technique.

250°C

C'est une révélation: "le réseau répond en grande partie à un besoin de chaleur de l'artisanat et de l'industrie, il sera toujours plus efficace de produire directement de la chaleur, et non pas de l'électricité destinée à produire de la chaleur", écrit Arnaud Crétot dans son livre qui vient de paraître, "La boulangerie solaire" (édition Terre Vivante).

Toujours associé mais moins impliqué chez Solar Fire, il utilise toute l'année le four solaire qu'il a participé à concevoir, la "Lytefire".

"Dès qu'on voit notre ombre au sol, cela signifie qu'il y a assez de lumière pour faire fonctionner un four solaire", explique le néo-boulanger, "il faut une heure pour monter à 250 degrés, et ensuite une heure par fournée, en hiver avec quatre heures de soleil, je fais 110 kilos de pain par jour".

Avec deux cuissons par semaine, il lui fallait produire du pain de conservation encore comestible une semaine après la sortie du four.

"C'est une grande surprise pour les boulangers que l'on forme, ici on ne pétrie pas, on n'utilise pas de levure, seul le levain et un court mélange à la main suffisent", s'émerveille M. Crétot, les mains dans la pâte, "c'est moins fatigant, moins chronophage, et on n'a pas besoin de se lever à 4h du matin".

La torréfaction représente les deux tiers de l'activité de Neoloco, une activité qu'Arnaud considère comme plus vertueuse encore: "remplacer 20 à 30% du café par des graines locales, ça pourrait dynamiser l'agriculture locale, ça réduit les transports internationaux et la déforestation".

"C'est révélateur de ce qu'on peut faire dans plein d'autres secteurs, dans tous les autres savoir-faire, il y a sûrement des transformations aussi fondamentales qui peuvent arriver", espère-t-il.

Commentaires

victor
Tant que ça reste marginal et que ça ne remet pas en cause les fondements du capitalisme qui est basé sur la prédation et l'accaparement des richesses au profit d'une poignée de personnes, y a pas de soucis. C'est folklorique et ça fait vendre du papier.
Maurice
En hiver, ce sera vraiment étonnant que cela puisse fonctionner comme il le dit ! Bois de chauffage, ok, mais nos écolos bobos sont contre !
Jean-Charles Abbe
Cette initiative mérite mieux que le qualificatif de folklorique. Personnellement, j'ai réalisé un four parabolique qui permet de préparer son frichti à l'aise .. quand il y a du soleil ! Mais on peut faire mieux. Une simple boite en carton et un rouleau de papier aluminium suffisent pour "fabriquer" un four. Une association nantaise est spécialisée dans le domaine (Bolivia Inti). Comment est il possible que l'on ne voit nulle part en France de chauffe eau solaire sur les toits alors qu'en Israël, en Turquie, ... toutes les habitations en sont pourvues ? J'ai un ami à Nantes qui a monté une telle installation de 4 m2 ; il est autonome pour l'eau chaude sanitaire toute l'année, même par temps couvert. Comprends pas pourquoi en France on est aussi nuls !
Pierre-Ernest
"Comment est il possible que l'on ne voit nulle part en France de chauffe eau solaire sur les toits alors qu'en Israël, en Turquie, ... toutes les habitations en sont pourvues ? " Israël se trouve entre les latitudes 29° et 34° N. La Turquie entre les latitudes 35° 48 ' et 42° 06' N. La France est située entre les latitudes 41° et 52° N. C'est aussi bête que ça.
BrigitteMB
Mais pas seulement ! Dans le sud-est de la France c'est une aberration de faire de l'eau chaude en été (et même en fait la moitié de l'année) avec du gaz ou du fuel ou de l'électricité, alors que l'eau sort brûlante du moindre tuyau d'arrosage resté au soleil. Seulement tant que cela ne se substitue pas à l’électricité cela n'intéressait pas l'ADEME, ni nos précédents ministères de l'écologie, et l'installation de chauffe-eau solaires n'a absolument pas été encouragée ni aidée en France. La fabrication non plus. Espérons qu'on va y venir maintenant ! Et bravo au jeune ingénieur-boulanger ! Contrairement à ce que pensent ceux qui le traitent de folklorique, les initiatives de ce genre se multiplient dans tous domaines,. Et sa double formation est certainement un fort atout pour construire un modèle qui fonctionne. C'est comme ça que l'on changera
JJ B17
L’enerhie en France, c’est un énorme gâchis !!! Solaire + géothermie + hydroélectrique suffiraient largement à satisfaire nos besoins domestiques, hormis transports et industries, ce serait déjà une énorme économie ! Mais on est prisonniers des lobbyistes des écologistes fanatiques et des habitudes

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