- Connaissance des Énergies avec AFP
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"Choc", "décision scandaleuse" : la décision du gouvernement de mettre à contribution EDF pour contenir la facture d'électricité est mal vécue à tous les étages de l'électricien, des syndicats au PDG, et suscite de profondes interrogations sur l'avenir du groupe.
Les quatre principaux syndicats du secteur énergétique ont lancé un appel commun à la grève des salariés d'EDF, le 26 janvier, afin de protester contre les mesures que le gouvernement prévoit d'imposer au groupe pour contenir la hausse des factures d'électricité. "On a eu une réunion interfédérale hier soir, les quatre organisations, FO, CCFE-CGC, CFDT et FNME-CGT", a indiqué à l'AFP Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT en charge de la politique revendicative.
Les quatre syndicats de branche appellent, selon lui, "à protester contre cette décision scandaleuse d'augmentation du plafond de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique, ndlr), qui vient spolier le rôle d'EDF, voire organiser la destruction d'EDF". "La situation est grave, l'attaque est lourde de sens et la riposte doit être collective", a estimé de son côté FO Energie et Mines.
Dans un contexte de flambée des prix de l'énergie et afin de limiter la hausse pour les consommateurs, le gouvernement a enjoint jeudi à EDF - dont l'État possède 84% - d'augmenter de 20% le volume d'électricité nucléaire vendu à prix réduit à ses concurrents cette année, en demandant à ce que ce tarif avantageux soit répercutés aux clients finaux. Un appel distinct à une grève reconductible a été lancé à partir du 25 janvier, pour demander une hausse des salaires dans l'ensemble du secteur de l'énergie, par la seule FNME-CGT.
Quelques sites ont devancé l'appel du 25 et étaient en grève depuis lundi, en l'occurrence des centrales thermiques à flamme, fonctionnant au gaz et au fioul. Notamment la Cetac (centrale d'exploitation des turbines à combustion), qui pilote six petits sites de production en Ile-de-France et en Bretagne, et la centrale de Martigues, pour une capacité indisponible d'environ 2 300 MW au total, selon la CGT. Quant au mouvement du 26, les modalités n'étaient pas encore arrêtées à ce stade.
EDF va vendre à un prix réduit jusqu'à 40% de sa production électrique en 2022 dans le cadre du dispositif ARENH et perdre des milliards d'euros - environ 8 milliards sur son excédent brut d'exploitation 2022, selon lui. Une décision qui a ému jusque dans les plus hautes sphères de l'énergéticien. Dans un message interne aux "managers" d'EDF, le PDG Jean-Bernard Lévy a vivement critiqué la décision du gouvernement.
"Après l'avoir beaucoup combattue, nous vivons cette décision comme un véritable choc", a-t-il écrit. "Beaucoup d'entre vous m'ont fait part de leur soutien, voire de leur indignation, et je partage votre émotion", a écrit le PDG.
« Calcul électoral »
La décision du gouvernement s'est ajoutée à de nouveaux retards pour l'EPR de Flamanville et à l'extension du problème de corrosion sur des systèmes de sécurité à de nouveaux réacteurs qui sont désormais 5 à l'arrêt en plein hiver. Le cours d'EDF a plongé à l'issue de cette semaine noire.
"Ces mauvaises nouvelles ébranlent le groupe", a reconnu le PDG. "Ce sont les investissements du groupe EDF dans le système électrique qui garantiront dans la durée la stabilité des prix de l'électricité et la sécurité d'alimentation électrique du pays, et qui assureront la réussite de la transition bas carbone de la France", a réagi de son côté la CFE Energies. Elle a dénoncé un "saccage d'EDF orchestré par pur calcul électoral", à quelques mois de l'élection présidentielle.
Jean-Bernard Lévy a promis des annonces "sous un mois" pour renforcer le bilan d'EDF. Déjà lourdement endetté, EDF fait face à de nombreuses dépenses pour maintenir son parc nucléaire vieillissant et investir dans les énergies renouvelables. Le gouvernement compte aussi sur l'entreprise pour racheter les activités nucléaires de GE et assurer la construction de futurs EPR.
"Nous serons aux côtés d'EDF pour les aider à passer cette difficulté", avait déclaré la semaine dernière Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, relançant des spéculations sur une possible recapitalisation. En attendant, des agences de notation, qui scrutent la solvabilité de l'entreprise, ont déjà abaissé la note d'EDF ou menacé de le faire, ce qui pourrait renchérir le taux auquel le groupe emprunte.