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Jaunes et rutilants, les tuyaux courent le long des boyaux de métal qui ont aspiré les fumées du haut fourneau. A Dunkerque, dans la plus grande usine d'acier d'Europe, ArcelorMittal teste le captage du CO2 émis par sa propre activité industrielle, responsable du réchauffement climatique.
Au lieu d'être relâché dans l'atmosphère ou récupéré pour chauffer des bâtiments, le gaz sidérurgique est acheminé dans les tuyaux jaunes jusqu'à une tour métallique toute neuve, une "colonne d'absorption et de régénération" d'une vingtaine de mètres de haut.
Là, le gaz est filtré à travers un dédale de tuyaux et de colonnes remplies d'un solvant. Séparé de l'azote, le dioxyde de carbone (CO2) est isolé, et finalement capturé.
L'enjeu de cette usine à gaz flambant neuve est de pouvoir continuer à produire de l'acier sans émettre de dioxyde de carbone (CO2). Un objectif d'autant plus impératif que les scientifiques du GIEC qui se réunissent à partir de lundi prédisent que le seuil de réchauffement de +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle pourrait être atteint autour de 2030.
A terme, l'objectif du deuxième sidérurgiste mondial est de parvenir à la neutralité carbone en 2050. D'ici à 2030, il a affiché son ambition de réduire ses émissions de 25% au plan mondial, et de 35% en Europe.
En France, il prévoit d'avancer plus vite, en réduisant ses émissions de 40% d'ici à 2030, grâce à de substantielles aides publiques issues du plan de relance post-covid.
Une tâche énorme. Car pour chaque tonne d'acier incandescent produite, le groupe émet "1,8 tonne de CO2", rappelle à l'AFP Emmanuel Deneuville, directeur du programme décarbonation d'ArcelorMittal France.
- "Fumée purifiée à 90%" -
Le captage du CO2 n'est d'ailleurs que la troisième voie de décarbonation privilégiée par le groupe. Il servira à traiter les fumées résiduelles, les "émissions incompressibles qu'on se pourra pas éviter" lors de la fabrication de l'acier, explique Florence Delprad-Jannaud, coordinatrice CO2 au laboratoire IFPEN Energies Nouvelles qui a mis au point le procédé de captage.
Pour verdir sa production, l'aciériste parie surtout sur une augmentation du recyclage d'acier usagé. Il prépare aussi un saut technologique, en abandonnant le charbon, utilisé depuis le 19e siècle pour réduire (c'est-à-dire retirer l'oxygène) le minerai de fer. Il sera remplacé par de l'hydrogène, et le minerai désoxydé sera fondu en acier dans des fours électriques.
Dans l'immédiat, le capteur expérimental doit permettre d'absorber 0,5 tonne de CO2 par heure, explique Mme Delprad-Jannaud. "La fumée qui ressort est purifiée à 90%".
Une fois validé, le procédé industrialisé devra capter 150 tonnes de CO2 par heure, soit 1 million de tonnes par an à partir de 2025.
A Dunkerque, la ville de France la plus émettrice de gaz à effet de serre, TotalEnergies envisage d'agglomérer ce CO2 avec celui émis par des cimentiers ou des chimistes qui se joindraient au projet. Et de l'expédier sous forme liquéfiée par bateau en Norvège pour être enfoui de façon permanente dans des "aquifères salins profonds", d'anciennes cavités pétrolières ou gazières.
"40 millions de tonnes de CO2 ont été captées et stockées ainsi dans le monde en 2021" souligne Philippe Llewellyn, chercheur chez TotalEnergies.
Au total, 84 projets similaires dans le monde, dont 63 en Europe et aux Etats-Unis, devraient démarrer d'ici 2025, et s'ajouter aux 56 déjà en activité, estime le cabinet norvégien spécialisé Rystad Energy.
- "Qui est prêt à payer?" -
"Il y a des solutions pour éliminer le CO2 industriel, mais quelqu'un va devoir payer, qui est prêt à payer ? Le consommateur ? Le contribuable?", s'interroge Michel Jacob, auteur d'une étude sur la décarbonation de l'industrie lourde pour le cabinet Roland Berger.
A Dunkerque, un autre projet, baptisé Reuze, parie sur le CO2 comme matière première. Il vise à le réutiliser au lieu de le stocker.
Dévoilé en février par Engie, il prévoit de produire avec le groupe américain Infinium des carburants aéronautiques synthétiques neutres en carbone (e-carburants ou électro-carburants), à partir des fumées d'ArcelorMittal.
Néanmoins, la décision finale d'investissement --plus de 500 millions d'euros-- ne sera pas prise avant fin 2023.
Le nom Reuze vient du mot "réutiliser" en anglais. Mais il vient aussi du nom du géant qui protège la ville selon une légende dunkerquoise. Il est fêté chaque année durant le Carnaval.
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