Décarbonation de l'automobile : Ursula von der Leyen défend les carburants de synthèse

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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, candidate à un second mandat, défend la technologie des carburants de synthèse pour atteindre l'objectif de neutralité climatique des automobiles en 2035, un moyen de prolonger l'utilisation des moteurs thermiques, selon un document publié jeudi.

Une concession confirmée par Ursula von der Leyen

L'Union européenne a validé au printemps 2023 l'obligation imposée aux automobiles neuves de ne plus émettre de CO2, mesure centrale du plan climat des Vingt-Sept.

Cette disposition signifiait en principe la fin des motorisations essence, diesel et hybrides dans les véhicules neufs à partir de 2035, au profit du tout électrique.

Mais l'Allemagne et sa puissante industrie automobile avaient réclamé et obtenu que la Commission européenne s'engage à ouvrir la voie aux carburants de synthèse, estimant que cette technologie remplirait l'objectif de zéro émission de CO2 tout en préservant une place pour les motorisations thermiques, filière d'excellence européenne.

Mme von der Leyen a confirmé cette concession faite à l'industrie, dans un document sur les orientations politiques de la prochaine Commission pour la période 2024-2029.

Une option limitée à des véhicules de luxe ?

La réalisation de "l'objectif de neutralité climatique" pour les voitures en 2035 "nécessitera une approche neutre sur le plan technologique, dans laquelle les carburants de synthèse auront un rôle à jouer", stipule le document publié jeudi. La présidente de l'exécutif européen promet "une modification ciblée de la réglementation dans le cadre du réexamen prévu" de la législation sur les émissions de CO2.

La technologie des carburants de synthèse, encore en développement, consisterait à produire du carburant à partir de CO2 issu des activités industrielles.

Défendue par des constructeurs haut de gamme allemands et italiens, elle permettrait de prolonger l'utilisation de moteurs thermiques, mais les ONG environnementales la jugent coûteuse, énergivore et polluante. De l'avis de nombreux experts, la technologie des carburants de synthèse a peu de chances de s'imposer sur le marché et ne concernerait dans le meilleur des cas qu'une minorité de véhicules de luxe.

Commentaires

Fabrice Besse
c'est tellement énergivore à concevoir qu'on peut se demander où est l'intérêt, mais surement encore des euros à engranger à l'avenir...
jean-Loup Bertaux
J’approuve le mouvement de Van der Leyen, et je pense que cette filière pourrait concerner beaucoup de véhicules. 1. Ce n’est pas le moteur thermique qui produit du CO2, c’est ce qu’on met dedans. Par exemple, les moteurs fonctionnant au E85 (85 % d’éthanol) sont déjà vertueux vis-à-vis des émissions de CO2, puisque l’éthanol est fabriqué à partir de produits organiques (exemple, du maïs) qui ont capté le carbone dans l’atmosphère. 2. Pour l’aviation, toutes les études sérieuses démontrent qu’on ne pourra la décarboner qu’en utilisant du kérosène synthétique, un peu de bio, mais surtout du pur synthétique à partir de CO2 capté sortie d’usine ou mieux dans l’atmosphère (et énergie renouvelable non carbonée). Donc, cette filière va obligatoirement se développer massivement, pour l’aviation, mais pourquoi pas, pour les véhicules terrestres. 3. Dès aujourd’hui, il y a une combinaison attractive : la voiture hybride rechargeable, dont le moteur thermique pourrait accepter du E85. Dans la vie de tous les jours, petits trajets, on fait fonctionner uniquement le moteur électrique. Partir en vacances : on utilise du E85, déjà vertueux CO2. L’énorme avantage par rapport à une voiture pur électrique est qu’on remplace une batterie de 600 kg par une batterie de 50 kg, plus le moteur thermique qui pèse 100 kg, soit 450 kg de moins à trimballer en permanence. 4. Je m’étonne, et je ne comprends pas, pourquoi aucun constructeur ne propose cette délicieuse combinaison, alors qu’on maîtrise parfaitement, d’un part, les hybrides rechargeables, d’autre part, les moteurs thermiques fonctionnant au E85 ! Jean-Loup Bertaux, Académie de l’Air et de l’Espace. [email protected]
Vincent
Bonjour M.Bertaux, "Je m’étonne, et je ne comprends pas, pourquoi aucun constructeur ne propose cette délicieuse combinaison" La raison est très simple, c'est que cette combinaison n'est absolument pas délicieuse, il va falloir revoir votre copie. Pour s'en convaincre, il suffit de calculer la quantité d'électricité nécessaire. Le rendement de la filière des carburants synthétiques est encore plus faible que celle d'hydrogène, puisqu'il faut rajouter une étape de conversion de cet hydrogène en carburant, auquel il faudra rajouter l'électricité nécessaire au captage du CO2 (la ressource en CO2 biogénique étant limitée, elle ne pourra déjà pas subvenir aux besoins de la chimie, du transport maritime et aérien, même pris individuellement, alors pour des voitures...). En France et pour obtenir un ordre de grandeur, si on voulait remplacer le diesel et l'essence, il faudrait déjà 8 millions de tonnes de H2 sous forme H2. En carburants synthétiques, ça passe à environ 10millions de tonnes de H2. Comme il est nécessaire d'avoir de l'hydrogène vert pour décarboner, alors pour obtenir ces 10 millions de tonnes de H2, il faudrait environ 600TWh d'électricité par an, auxquels il faut rajouter l'électricité pour capter le CO2, sachant qu'on produit actuellement 450TWh et que RTE table sur 600-700 en 2050. ça n'a donc évidemment aucun sens d'un point de vue technique, sans même parler du coût. Il faut absolument éviter les carburants synthétiques, qui sont une gabegie énergétique, partout où on peut les éviter (même remarque pour l'hydrogène - et je bosse dans ce secteur) : en l'occurrence pour les voitures, il y a la solution batterie, qui consommera au moins 4 fois moins d'électricité que la solution carburants synthétiques. Le seul secteur où on verra ces carburants car il n'y a pas d'autre alternative, c'est pour l'aviation longue distance, mais avec un potentiel limité toujours en raison de la conso élec associée : il faudra réduire fortement le trafic en parallèle si on veut atteindre les objectifs de décarbonation. On est à des années lumières d'une délicieuse combinaison...
Joseph Letellier
J'attends de voir ce que donneront les calculs sur la réalité du retour énergétique concernant ces carburants de synthèse. Parce que s'il faut investir 100 kWh pour en sortir 10, ça ne sera pas terrible, cela pourrait s'appeler du gaspillage.
jean-Loup Bertaux
Je comprends les arguments de rendement énergétique de Vincent. Cependant, vous n’avez pas évalué le gain que représente d’éviter 450 kg de batterie à trimballer en permanence pour une voiture tout électrique, en plus qu‘une électrique rechargeable. D’autre part, la plupart du temps, pour les petits trajets (moins de 50 km par jour), on la fait fonctionner en électrique. Enfin, je note qu’actuellement, la recharge électrique sur autoroute est moins chère que le carburant fossile, mais presque plus chère que le E85, (85% d’éthanol !!!). Donc je persiste et signe sur le potentiel de la voiture hybride rechargeable fonctionnant à l’essence synthétique, ou au bio-éthanol déjà existant (E85). Comme on est obligé d’installer la filière de carburant synthétique pour l’aviation, le côut de fabrication va baisser. J’ajoute deux éléments que vous semblez ignorer: - le côut énergétique de la capture de CO2 directement dans l’air n’est pas très élevé: 7 à 10 Gigajoule par tonne de CO2 (pouvant produire 318 kg de carburant). - La réaction de Sabatier CO2+2H2→ CH4 + 2H2O est exo-thermique (produit de l’énergie) réaction présurseur de la production de carburant synthétique. Donc l’obstacle de côut se situe plutot pour les machines de capture du CO2. ça va certainement baisser beaucoup ! Un hectare de panneaux solaires (ha PV) donne assez d’énergie électrique à une machine Climeworks pour capter 100 à 200 tonnes de CO2 par an, alors que les forêts en France en captaient 4 tonnes par an vers 2010 , chiffre tombé à 1.8 tonnes par an en 2022 ! [email protected]
Vincent
Quel est le gain à éviter 450kg de batterie ? Ce n'est pas un frein au déploiement des véhicules à batterie aujourd'hui.
Les coûts fixes de fabrication vont baisser, oui, mais pas tellement les variables puisque nous allons manquer d'électricité décarbonée. Le rendement de la filière des carburants synthétiques est de l'ordre de 15-20%, celle des batteries de l'ordre de 85%. Etant donné les prix de l'électricité, cet écart ne pourra pas être comblé par une baisse des coûts fixes. Par ailleurs, comme nous allons manquer d'électricité décarbonée, si on veut pouvoir décarboner l'ensemble de la mobilité et pas seulement celle de luxe, alors il faut évidemment viser les technologies les plus efficaces énergétiquement (et qui sont aussi les moins chères. Le coût d'usage d'une voiture électrique est déjà équivalent à celui d'une thermique).
Je maintiens que mettre des carburants synthétiques dans des voitures est un gaspillage d'énergie décarbonée dans un monde où on va en manquer pendant encore de nombreuses décennies
Albatros
Mis à part organiser la ruine du continent, le contingentement et le rationnement de l'énergie par sa politique prétendument "scientifique", la casse de toute initiative entrepreneuriale (le terrible Digital Services Act qui interdit à l'UE de développer toute concurrence aux acteurs US du secteur) que propose la gourde de Bruxelles en matière d'avenir ?

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