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Dans le cadre des négociations de l'ONU sur le climat, les Etats-Unis appellent à l'élimination progressive des combustibles fossiles, mais leur statut de première puissance pétrolière mondiale remet en question leur crédibilité.
Souvent considérés par les écologistes comme des mauvais élèves, en particulier sous les présidents républicains, les Etats-Unis ont surpris en soutenant les appels à mettre fin à l'extraction du pétrole, du gaz et du charbon, l'Arabie saoudite, grand exportateur de pétrole, s'opposant avec virulence à cette démarche.
L'approche coopérative marque un nouvel effort de l'envoyé américain pour le Climat, John Kerry, ancien secrétaire d'Etat, sénateur et candidat à l'élection présidentielle, qui fête ses 80 ans lundi dans le feu des négociations.
Rappelant son rôle dans l'accord de Paris de 2015, qui ambitionnait de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, M. Kerry s'est dit à Dubaï conscient d'avoir une "mission" face à l'urgence climatique.
Le président démocrate Joe Biden a injecté de l'argent dans des projets liés au climat, avec son paquet législatif de référence, la loi sur la réduction de l'inflation de 1.200 milliards de dollars, qui finance des investissements majeurs dans les voitures électriques ou encore la modernisation des réseaux électriques.
Mais les Etats-Unis sont aussi de loin le plus grand producteur de pétrole au monde, pompant l'année dernière 20 millions de barils par jour en moyenne, soit 21% du total mondial, selon l'Administration américaine d'information sur l'énergie.
Forage à domicile
M. Biden a suivi son prédécesseur climatosceptique Donald Trump en approuvant des forages sur des terres publiques, invoquant la nécessité de combler les déficits après les sanctions occidentales imposées à Moscou après son invasion de l'Ukraine.
"Alors qu'il est question d'une élimination progressive, nous avons également besoin que l'administration Biden fasse plus chez lui", a déclaré Allie Rosenbluth de l'organisation Oil Change International.
Elle a ajouté que l'administration misait sur "des technologies dont nous savons qu'elles ne fonctionnent pas et dont le coût est prohibitif", faisant référence à l'investissement dans la capture du carbone, qui vise à réduire les émissions provenant des combustibles fossiles.
Les projets de textes de la COP28 parlent de réduire les émissions "non réduites" des combustibles fossiles, ce qui signifie que le pétrole, le gaz et le charbon sont toujours autorisés, mais que l'on essaie de réduire leur impact.
Toutefois, certains écologistes ont été agréablement surpris de voir que Washington semblait s'aligner sur une formulation rigoureuse concernant l'arrêt de l'extraction des combustibles fossiles.
"Nous avons constaté un changement tangible dans la politique étrangère des Etats-Unis en matière de climat, qui s'éloigne de la dépendance à l'égard de la capture et du stockage du carbone et d'autres technologies et des mécanismes de marché purs pour répondre à l'urgence climatique", a déclaré Jean Su, du Centre pour la diversité biologique.
Les yeux rivés sur Trump
Or, les élections américaines ont lieu dans moins d'un an, et Donald Trump cherche à revenir à la Maison Blanche.
La sénatrice Lisa Murkowski de l'Alaska, Etat producteur de pétrole et de gaz, a reconnu les effets des combustibles fossiles sur le climat, mais a dénoncé l'"approche" de ceux qui proposent un arrêt pur et simple de l'extraction.
"Le fait de passer à une élimination progressive ne tient pas compte de la réalité de la transition à laquelle nous sommes confrontés", a déclaré Mme Murkowski, la seule républicaine de la délégation sénatoriale à la COP28.
M. Trump et d'autres républicains intransigeants adoptent une approche plus conflictuelle et nient le consensus scientifique sur le changement climatique.
M. Kerry a toutefois fait valoir que le leadership présidentiel aura moins d'importance, étant donné que les entreprises américaines et les gouvernements locaux se sont déjà engagés à passer au vert.
"Il fut un temps où cela aurait pu faire la différence, plus maintenant", a déclaré M. Kerry.
De nombreux républicains s'opposent aussi à l'aide climatique, élément clé des négociations soutenues par l'Onu avec les pays riches qui promettent d'aider les Etats les plus durement touchés.
La vice-présidente Kamala Harris, en visite à la COP28, a promis trois milliards de dollars au Fonds vert pour le climat.
Le sénateur démocrate Chris Coons a fait remarquer qu'une grande partie des investissements de M. Biden dans le domaine du climat étaient destinés à des régions des Etats-Unis qui votent républicain.
"Suis-je en train de suggérer que si l'ancien président devenait notre prochain président, tout irait bien? Pas du tout", a déclaré M. Coons.
"Mais il existe un soutien suffisamment large et profond pour poursuivre les investissements dans la lutte contre le changement climatique."