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Les activités de TotalEnergies sont-elles conformes à la politique climatique et diplomatique de la France? Une commission de sénateurs se penche à partir de jeudi sur un sujet pour lequel le groupe pétrolier assure n'avoir "rien à cacher".
Proposée par le groupe écologiste au Sénat, cette commission, présidée par le LR Roger Karoutchi avec l'ancien candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot en rapporteur, porte sur "les moyens mobilisés et mobilisables par l'Etat pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France".
Il s'agit selon le groupe écologiste, "d'enquêter sur la responsabilité du groupe français" en matière notamment de "non-respect des engagements climatiques" de la France du fait de ses investissements dans le pétrole et le gaz, causes principales, avec le charbon, du réchauffement climatique.
Le groupe écologiste compte aussi questionner "les investissements financiers" de TotalEnergies "pouvant alimenter des situations de corruption, de conflits armés, de violations des droits humains et des libertés fondamentales" dans les pays où il est présent.
La quatrième major mondiale du pétrole et du gaz s'est attiré de vives critiques pour ses projets et investissements en Ouganda et en Tanzanie ou son maintien en Russie depuis l'invasion de l'Ukraine.
Les 19 sénateurs commenceront jeudi par un état des lieux général climatique et énergétique, avec les auditions de Philippe Copinschi, spécialiste des questions énergétiques mondiales et la climatologue Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le Climat.
Les parlementaires verront défiler des experts du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, mandaté par l'ONU), des membres actuels et anciens du gouvernement, des dirigeants d'organisations et d'entreprises, avant d'auditionner le PDG Patrick Pouyanné, en point d'orgue.
Désormais un habitué de ces rendez-vous, le bouillant patron a déjà prêté serment à quatre reprises, en 2022 et 2023, devant une commission du Sénat ou de l'Assemblée nationale. Superprofits, souveraineté énergétique, affaires étrangères, biocarburants et maintenant le climat: "on n'a rien à cacher", assure-t-on dans le groupe.
"Nous nous attacherons à faire preuve de pédagogie", sur "notre stratégie dans la transition énergétique ou sur la façon dont nous menons nos opérations à l'étranger", indique un porte-parole.
- "Silencieux" sur la Russie -
La publication du rapport est attendue pour mi-juin, à condition qu'il passe l'étape d'un vote majoritaire au sein de la commission, qui reflète les équilibres d'un Sénat acquis à la droite.
Après l'annonce de cette commission, Yannick Jadot avait expliqué vouloir "remettre" l'entreprise "dans le droit chemin" en faisant la lumière sur ses "contradictions" par rapport aux engagements climatiques de Paris, ses "priorités diplomatiques" et "les valeurs que défend la France à l'étranger".
Yannick Jadot se montre régulièrement incisif envers la multinationale, qu'il a accusée durant la campagne présidentielle en 2022 de "complicité de crimes de guerre" pour son maintien en Russie après l'invasion de l'Ukraine. Des propos pour lesquels il est poursuivi devant un tribunal après une plainte en diffamation du groupe.
M. Jadot a finalement été sommé mardi de se "déporter" de toutes les questions relatives à la Russie à la demande du comité de déontologie de la chambre haute. "Sur ces sujets, je resterai silencieux", a-t-il affirmé.
En décembre, TotalEnergies avait fait part à la présidence du Sénat d'"un certain nombre de préoccupations", dont l'existence selon lui d'un conflit d'intérêts visant Yannick Jadot, du fait de la procédure de diffamation.
Le groupe avait aussi invoqué d'autres difficultés, comme la compétence de la commission pour examiner le cas d'entreprises privées et la séparation des pouvoirs, alors que des projets et investissements contestés de TotalEnergies, en Russie, en Ouganda et au Mozambique font l'objet de plaintes transmises à la justice française.
Le Sénat a multiplié ces dernières années les commissions d'enquête au retentissement non négligeable dans la sphère publique, de l'affaire Benalla au Fonds Marianne en passant par l'influence croissante des cabinets de conseil dans les politiques publiques.
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