Après BP, TotalEnergies se prépare à une confrontation climatique en assemblée générale

  • AFP
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Après BP jeudi à Londres, une autre major européenne du pétrole, TotalEnergies, se prépare à un débat climatique avec une partie de ses actionnaires, en particulier sur ses émissions liées à l'utilisation de ses hydrocarbures, lors de son assemblée générale le 26 mai.

Le groupe a recommandé vendredi à ses actionnaires de voter contre une résolution portant sur ses émissions indirectes de CO2 car jugée "contraire aux intérêts" du groupe d'hydrocarbures français, "de ses actionnaires et de ses clients".

La résolution consultative, émanant de l'organisation d'actionnaires activistes Follow This, a néanmoins été inscrite à l'ordre du jour de l'AG par le conseil d'administration du groupe réuni jeudi, a indiqué TotalEnergies dans un communiqué vendredi.

En visant surtout les émissions de CO2 indirectes, elle demande à TotalEnergies d'aligner ses objectifs de réduction d'émissions de CO2 sur l'Accord de Paris sur le climat d'ici 2030, c'est-à-dire de faire en sorte que les émissions liées à l'utilisation du pétrole ou du gaz de ses propres clients, dites émissions de scope 3 dans le jargon climatique, soient elles aussi "alignées avec l'Accord de Paris".

Directes ou indirectes, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites suffisamment pour parvenir à limiter le réchauffement du climat en dessous de deux degrés, et si possible à 1,5°C, par rapport à la période pré-industrielle (1850-1900), selon l'Accord de Paris.

Le conseil d'administration du groupe pétrolier fait valoir que ses émissions de scope 3 "correspondent" en fait aux émissions directes de ses propres consommateurs.

Le groupe refuse d'en endosser la responsabilité, même s'il dit souhaiter accompagner ses clients dans leur chemin de décarbonation.

"TotalEnergies ne fabrique ni avion, ni automobile, ni ciment ou acier", avance TotalEnergies qui craint qu'une baisse drastique imposée sur ses émissions de scope 3 n'aboutisse en fait à rediriger ses clients vers des fournisseurs concurrents, "notamment des compagnies pétrolières nationales de pays producteurs".

- "Aucun effet bénéfique" -

Selon le groupe, "cette stratégie n'aurait aucun effet à la baisse sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre, donc aucun effet bénéfique pour le climat".

Sa mise en oeuvre serait aussi "mauvaise pour ses actionnaires" dans la mesure où il devrait céder ses stations-service et activités de commercialisation de produits pétroliers et de gaz à d'autres exploitants, dit le groupe.

"Ce serait également une stratégie contre-productive pour les clients de TotalEnergies", selon lui.

TotalEnergies s'attache néanmoins à faire valoir ses efforts pour le climat et appelle ses actionnaires à "voter en faveur" de sa propre résolution climatique, qu'il soumettra le même jour à l'AG.

Cette stratégie climat officielle porte essentiellement sur la réduction de ses émissions liées à la production d'hydrocarbures elle-même (combustion sur site, véhicules utilisés, scope 1, ou consommation d'énergie nécessaire, scope 2).

Présentée pour la troisième année à l'approbation des actionnaires, elle comporte un renforcement des engagements, comme celui de ne pas dépasser 38 MT de CO2 d'émission en 2025 par rapport à 2015.

"Dans le monde de TotalEnergies, les vendeurs de drogue ne doivent pas être tenus responsables de la consommation de drogue" a réagi Lucie Pinson, directrice de l'ONG Reclaim Finance, en appelant les investisseurs "soucieux des enjeux climatiques" à "soutenir" la résolution de Follow This et à "s'opposer au plan climat de TotalEnergies".

L'objectif, selon elle, est de "forcer" le groupe à faire "plus que le piètre objectif de réduction de 2% qu'il envisage aujourd'hui à l'horizon 2030 pour ses émissions de scope 3".

Follow This avait déjà été à l'origine de la première résolution climatique contraignante pour l'entreprise en 2020 qui avait recueilli 17% d'approbation.

Parmi cette coalition de 17 investisseurs qui gèrent ensemble 1.100 milliards de dollars et détiennent près de 1,5% de TotalEnergies, figurent La banque PostaleAM, Edmond de Rotschild AM, La Financière de l'Echiquier, ou encore Sycomore AM.

Jeudi à Londres, lors de l'AG de BP, Follow This a déposé une résolution qui aurait forcé le groupe à revoir ses plans de transition énergétique pour les rendre plus ambitieux. Elle a récolté 16,75% du total des votes.

im/jbo/LyS

Commentaires

Lecteur 92

Il faut que les activistes écologistes sortent du bois. Ce qu'elles veulent c'est que les consommateurs cessent de mettre des carburants d"origine fossile dans leur voiture. C'est donc là qu'elle doivent agir : qu'elles aillent par exemple sur les stations services et manifestent pour que les consommateurs cessent de brûler de l'essence. Qu'elles utilisent leur fameuse stratégie "name and shame" en direction des consommateurs. De la vraie "action" enfin, pas de loin comme assister (quel courage, quel chahut, c'est chouette) aux assemblées générales des entreprises. Elles doivent aller auprès des vrais utilisateurs (puisqu'il s'agit du Scope 3) et mettent au travail leur fantastique outil de lobbying et de campagnes de propagande auprès des vrais utilisateurs (il ne faut pas laisser les entreprises seules dans cette affaire): intervenir par exemple dans les campagnes électorales par exemple, en France comme en Europe -- et expliquer auprès des utilisateurs qu'il faut arrêter très vite de consommer du pétrole et de fournir aux marchés des produits pas chers et efficaces. Nous attendons donc que ces ONG/partis politiques/associations fassent preuve de courage, là où ce sera plus difficile d'en avoir.

Zamur

L'année dernière, la plupart de petits actionnaires ne pouvait pas rentrer dans la salle de l'AG à cause des manifestants (une trentaine) attachés aux portes. La police maintenait les actionnaires à l'écart, et elle les a même demandé de se disperser. Exemple de la démocratie française.

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