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L'Assemblée nationale s'attaque lundi au projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, dont l'examen promet d'être plus agité que prévu sur fond de controverses sur la sûreté nucléaire.
Alors que les retraites continuent d'agiter le débat politique, quatre jours d'examen sont annoncés au Palais Bourbon en première lecture, autour des promesses d'Emmanuel Macron de bâtir six nouveaux réacteurs EPR à l'horizon 2035, et de lancer des études pour huit autres. Le gouvernement mise sur la technicité du texte et le traditionnel soutien de la droite à l'atome pour une adoption du projet de loi sans trop de difficultés, dans le sillage du très large vote du Sénat fin janvier.
Mais deux sujets vont enflammer les débats : la fissure "importante" révélée récemment dans la tuyauterie d'un réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime), et la disparition annoncée de l'Institut de sûreté nucléaire (IRSN) que l'exécutif veut fondre dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le gouvernement a ajouté cette réforme de la sûreté nucléaire par un simple amendement, adopté par les députés en commission. Mais elle suscite une levée de boucliers des syndicats de l'IRSN comme de l'ASN, de la gauche, et des protestations jusque dans la majorité. L'intersyndicale de l'Institut a prévu une nouvelle journée de grève lundi.
"La méthode n'était pas bien, trop rapide avec cet amendement. On va essayer d'atterrir", glisse un député du camp présidentiel. "La sûreté nucléaire, c'est un sujet très sensible, il ne faut pas donner l'impression qu'on flotte", met-il en garde.
Farouches adversaires du nucléaire, les écologistes et LFI comptent bien s'engouffrer dans la brèche. "Passer par un amendement le démantèlement de l'IRSN alors qu'on a des problèmes de fissures" comme à Penly, là où un nouvel EPR doit être implanté, "c'est difficile à défendre", dénonce la cheffe du groupe écolo Cyrielle Chatelain. "On a tout pour mener cette bataille de l'opinion", affirme-t-elle, même si l'adhésion au nucléaire a nettement gagné du terrain dans les sondages, en pleine crise énergétique.
Revirement
Chez les macronistes, la rapporteure Maud Bregeon, ancienne d'EDF, distingue les "questions légitimes" sur l'IRSN, et les arguments utilisés pour "flinguer la filière" nucléaire par "idéologie". Elle plaide pour ne plus "avoir le nucléaire honteux". Ce texte "va nous permettre d'atteindre la neutralité carbone" et une meilleure souveraineté énergétique, argumente-t-elle.
En commission, les députés ont validé un ajout controversé réalisé par le Sénat, à majorité de droite: la suppression du plafond de 50% de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique français d'ici 2035. Le projet de loi vise à favoriser la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en simplifiant les procédures administratives. Il est limité à de nouvelles installations situées sur des sites nucléaires existants, ou à proximité. Selon la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, cela permettrait "de ne pas ajouter un délai de deux à trois années à la construction d'un réacteur".
Les deux prochains EPR devraient être implantés à Penly, suivis de deux autres à Gravelines (Nord), selon les plans d'EDF. Mme Pannier-Runacher a avancé l'objectif de 2027 pour "la première coulée de béton", et "2035-2037" pour la mise en service.
Sans majorité absolue à l'Assemblée, le camp présidentiel enchaîne ainsi deux textes techniques sur l'énergie, en se tournant successivement vers la gauche puis la droite de l'hémicycle: un premier sur les renouvelables, définitivement adopté avec le soutien des députés socialistes, et celui sur le nucléaire que LR et le RN regardent d'un bon œil.
Avant un troisième projet de loi plus politique, de programmation pluriannuelle, attendu au mieux en juin pour fixer des objectifs à atteindre pour chaque énergie. Les oppositions dénoncent un "saucissonnage" et reprochent au gouvernement de légiférer dans le désordre.
La France, où l'énergie nucléaire représente habituellement entre 70 et 80% de la production d'électricité, avait décidé en 2015 la fermeture de 14 de ses 58 réacteurs, avant un revirement annoncé par le président Emmanuel Macron en faveur d'une relance.