Redémarrer des réacteurs nucléaires, un pari inédit sur 2 sites aux États-Unis

  • AFP
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Deux énergéticiens américains se préparent à remettre chacun une centrale nucléaire en service, une opération inédite, au coût et aux risques a priori limités, qui doit contribuer à répondre aux besoins d'électricité croissants aux États-Unis.

Un projet de redémarrage à TMI en 2028

Constellation Energy a dévoilé vendredi son projet de redémarrage, en 2028, d'un réacteur du site de Three Mile Island (Pennsylvanie), à l'arrêt depuis 2019 "pour raisons économiques".

Le site est connu pour avoir été le théâtre, en 1979, de l'incident le plus grave de l'histoire du nucléaire américain sur un autre réacteur, qui avait provoqué son arrêt définitif à l'époque.

L'initiative s'inscrit dans le cadre d'un contrat de fourniture d'électricité passé avec Microsoft pour une durée de 20 ans.

En octobre 2023, Holtec avait initié le mouvement en déposant un dossier auprès de la Commission américaine de régulation du nucléaire (NRC) pour reprendre l'exploitation du site de Palisades, dans le Michigan, interrompue en 2022.

Selon plusieurs spécialistes, la remise en service de cette centrale serait une première mondiale. "Tout le monde scrute ce que nous faisons de ce projet pour voir s'il est viable", explique Patrick O'Brien, porte-parole d'Holtec. "C'est important pour les États-Unis et, si on montre que c'est faisable, la communauté internationale pourrait envisager de s'y mettre."

Un coût d'environ 2 milliards de dollars pour Palisades

Contactée par l'AFP, la NRC a indiqué qu'une seule demande de redémarrage lui avait été soumise à ce jour, celle d'Holtec, qui vise fin 2025. Le démantèlement d'une centrale s'inscrit sur plusieurs décennies et, dans le cas de Palisades, il n'en était qu'à ses balbutiements.

À Three Mile Island, le combustible a été extrait du réacteur, mais "le démontage ou la démolition des équipements principaux n'a pas démarré", a précisé une porte-parole de Constellation. "Il y a beaucoup de choses à réutiliser sur un site, même si vous deviez reconstruire la centrale", décrit Jacopo Buongiorno, professeur de science et ingénierie nucléaires à la Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Holtec estime le coût de l'opération à environ deux milliards de dollars, selon son porte-parole, tandis que Constellation évalue la facture pour Three Mile Island à 1,6 milliard. Par comparaison, la construction des deux plus récents réacteurs aux États-Unis, raccordés au réseau en 2023 et 2024 sur le site de Vogtle, en Géorgie, a coûté plus de 30 milliards.

56% des Américains favorables au nucléaire

L'invasion russe en Ukraine a bouleversé l'équilibre énergétique mondial et donné un coup de fouet au nucléaire, qui perdait de l'élan. Et les politiques de transition énergétique intègrent maintenant plus fréquemment et plus largement la fission, en particulier pour faire face à l'augmentation prévue de 15% de la consommation entre 2022 et 2050, selon l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA).

Quelque 56% des Américains sont favorables au développement de l'énergie nucléaire aux États-Unis, contre 43% il y a quatre ans, selon une enquête de l'institut Pew Research Center publiée en août.

L'avenir semblait réservé aux petits réacteurs de nouvelle génération, les SMR (small modular reactors), aux délais de construction resserrés et offrant la possibilité de production en série. Mais la conception et la construction initiales de ces centrales de poche sont onéreuses car il s'agit de prototypes. Le premier Natrium de la start-up TerraPower, actuellement positionné pour être le premier SMR opérationnel aux Etats-Unis, en 2030, devrait coûter environ 4 milliards de dollars.

Le redémarrage d'une centrale existante apparaît donc comme la voie la plus rapide et la moins chère. "Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de centrales à l'arrêt qui puissent être remises en route", avertit Jacopo Buongiorno.

De là à faire fantasmer certains observateurs de ce côté de l'Atlantique sur le sort de Fessenheim, centrale arrêtée en France en 2020...

Le gouvernement Biden/Harris « déterminé »

Sollicité par l'AFP, le groupe NextEra Energy Resources a indiqué qu'il "étudiait l'opportunité" de relancer la centrale Duane Arnold (Iowa), fermée en 2020, mais qu'il n'avait pas formalisé "de plans à ce stade". Quant au site d'Indian Point, au nord de New York, arrêté en 2021, "rien n'est impossible avec du temps et des ressources, mais ce serait beaucoup plus compliqué que Palisades ou Three Mile Island", selon Patrick O'Brien.

Réactiver une installation existante pose la question de la sûreté, pour des centrales qui, au départ, avaient une durée de vie de 40 ans. "La plupart ont déjà vu leur permis d'exploitation prolongé de 20 ans, donc ce n'est pas nouveau", rappelle Jacopo Buongiorno.

"Les gens se disent : ça ne doit pas être sûr, ça doit tomber en ruines. Ce n'est pas vrai", dit-il, "parce qu'à part l'enceinte de confinement en béton et la cuve, tout a déjà été remplacé. Les centrales nucléaires sont parmi les sites industriels les mieux entretenus aux États-Unis".

Le réacteur de Palisades a été mis en service en 1971 et celui de Three Mile Island en 1974.

Derrière les opérateurs privés, la puissance publique est à la manœuvre, comme en témoigne le prêt de 1,5 milliard de dollars consenti à Holtec pour Palisades. "Le gouvernement Biden/Harris est déterminé", selon un porte-parole du ministère de l'Énergie, "à faire en sorte que l'énergie nucléaire joue un rôle croissant dans la transition historique de notre Nation vers un avenir tourné vers une énergie propre et sûre".

Commentaires

olivier DE BOISSEZON
eh, eh,c'est une bonne idée de l'AFP Connaissance des énergies, mais sans fantasmer, je cite : "De là à faire fantasmer certains observateurs de ce côté de l'Atlantique sur le sort de Fessenheim, centrale arrêtée en France en 2020...". En fait, en 2020, Fesseinheim avait juste fini la dernière opération de maintenance de grande ampleur (une Décennale). Donc la première centrale française de ce palier technologique (CP0), était remise au meilleur niveau de Sûreté et de sécurité d'explmoitation lorsqu'elle a été arrêtée, par ? (j'vousl'demande) M. E. Macron, Président de la France et 1er de Cordée de la Relance du Nucléaire en France ... Chercher l'erreur ...
Serge Rochain
C'est faux ! La mise à niveau décenale de Fessenheim n'avait justement pas été faite. EDF savait bien que le site devait fermer et ils ne sont pas bête à ce point.
Rochain Serge
Si votre "Prouvez le!" s'adresse à moi, je ne peux que vous répondre que ce qui n'existe pas ne peut pas avoir laissé de trace, contrairement à ce qui a bien existé. En conséquence, c'est à ce Monsieur qui prétend que cette mise à niveau a été effectivement réalisée de le prouver. Démontrant du même coup que les dirigeants de EDF n'étaient que des idiots. 🤔🙄
olivier DE BOISSEZON
Bonjour Mme Chantal MERCIER, Bonjour M. Serge ROCHAIN, effectivement, j'ai produit une erreur. J'ai confondu une 4ème Visite Décennale -qui n'a pas eu lieu- avec les actions de mises à niveau suite au Retour d'Expérience réalisé à l'issue de la catastrophe de Fukushima. Et je vous prie d'accepter mes excuses. Le site de Fesseinheim a bien réalisé sur les 2 Groupes la 3ème Visite Décennale en 2011 (cf. https://www.irsn.fr/avis-aux-autorites/poursuite-de-lexploitation-du-reacteur-ndeg1-de-la-centrale-nucleaire-de). Et il s'agit de la mise à niveau suite au Retour d'Expérience à l'issue de Fukushima dont la réalisation a été terminée juste avant la mise à l'arrêt en 2020 des 2 Groupes (cf. le rapport EDF sur l'exercice 2023 concernant ce site nucléaire de Fesseinheim : https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2024-06/EDF_RAPPORT_%20FESSENHEIM_2023_basse%20définition_1.pdf). Je donne un extrait ci après : "Lorsqu’elle était en exploitation, la centrale nucléaire de Fessenheim a engagé son plan d’actions post-Fukushima conformément aux actions engagées par EDF. Toutes les prescriptions techniques relatives à l’accident de Fukushima, qui avaient une échéance à fin 2018 ou antérieure, ont été soldées dans les délais impartis. Ainsi le site a notamment mis en place : → un appoint supplémentaire en eau par pompage des eaux souterraines en 2012 (réalisé dans le cadre des prescriptions post-3e visite décen- nale) ; → la mise en exploitation de diesels de secours temporaires en 2013 ; → des piquages de raccordement pour la FARN en 2014 ; → des moyens de protection contre l’inondation autour des bâtiments électriques et de l’îlot nucléaire (batardeaux « manuels », batardeaux automatiques, portes étanches, seuils...) en 2016 ; → des moyens de secours redondants d’alimenta- tion en électricité et en eau en 2018 et 2020. Le site de Fessenheim s’est également doté d’un bâtiment de stockage des matériels mobiles de sû- reté, à l’épreuve des séismes et des inondations en 2009 (avant l’ensemble du parc nucléaire d’EDF). EDF a transmis à l’Autorité de sûreté nucléaire les réponses aux prescriptions de la décision ASN n° 2014-DC-0404 du 21 janvier 2014. EDF a respecté toutes les échéances des réponses prescrites dans la décision." Au final, ces mises à niveaux exceptionnelles étaient déjà réalisées, en lieu et place et vérifiées, et cela pour une durée supérieure aux années à venir. L'arrêt de ces 2 Groupes en 2020 reste une énigme pour moi, à la veille d'une crise de l'énergie, à croire que certains n'avait pas de nez... ou l'inverse. Je ne crois pas non plus que ces deux arrêts étaient motivés à l'interne d'EDF par le vieillissement des installations, car bien entretenues et bien exploitées, sans "pépin" ni accident majeur d'exploitation sur le cursus des 42 années.
Chantal Mercier
Félicitations d'avoir reconnu votre erreur, tout le monde ne sait pas faire son mea culpa...

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