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Après quelques atermoiements, les défenseurs de l'environnement s'emparent timidement du grand débat national pour y porter leurs revendications, même si certains jugent le format proposé trop fermé.
"Manger sainement", "Occuper des surfaces inutilisées des toits pour une production d'électricité solaire", "Préserver les bonnes terres agricoles...". Au terme de deux heures de débat, les propositions sont résumées sur des papiers colorés disposés sur chaque table.
Dans une atmosphère studieuse, au théâtre Espace Marais à Paris, plus de 70 participants - de nombreux retraités et des plus jeunes - ont planché la semaine dernière sur ces trois thèmes: Qu'est-ce que pour vous le "bien-vivre", le "mal-vivre ensemble", l'environnement dans tout cela et les solutions possibles. "C'est un enjeu social majeur", dit l'un des participants Dimitri Carbonnelle, un jeune entrepreneur. Il est "venu voir quelles idées émergent du débat" et estime que tous, État, entreprises, particuliers, ont un rôle à jouer.
La transition écologique est l'un des quatre axes du grand débat. La plateforme internet dédiée propose un bref diagnostic du changement climatique et de ses conséquences attendues, un rappel de mesures prises par le gouvernement et pose 17 questions, dont plusieurs axées sur le financement et les économies à en attendre.
Plus de 780 000 contributions ont été déposées et la transition écologique est le sujet qui suscite le plus d'intérêt après la fiscalité. "Le grand débat s'adresse au plus grand nombre de nos concitoyens, les questions ont été formulées dans cette logique" et pour "recueillir leurs préoccupations individuelles et quotidiennes", indique le ministère.
Mais elles ne font pas l'unanimité. À commencer par la première: "Quel est aujourd'hui pour vous le problème concret le plus important dans le domaine de l'environnement ? La pollution de l'air, l'érosion du littoral, les dérèglements climatiques, la biodiversité et la disparition de certaines espèces ?". Un internaute répond: "Tous, la question est ridicule".
Kit pour le débat
La critique est partagée. La fédération France Nature Environnement (FNE), qui regroupe 3 500 associations, encourage à y participer, mais "on ne peut pas s'inscrire dans le cadre des questions imposées", estime son président Michel Dubromel.
Pour FNE, ces questions "ne sont en effet ni pertinentes ni neutres" et ignorent des pans entiers de l'environnement comme l'eau, l'aménagement du territoire ou la santé. Elle a fait ses propres propositions. "Pas un mot sur les services rendus par la nature", tacle pour sa part Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Si la biodiversité est évoquée par le président Emmanuel Macron dans sa lettre aux Français, "elle est mal traitée et apparaît comme une contrainte", poursuit-il.
Pour autant, la LPO appelle aussi à s'emparer du débat et a "mis au point un kit pour que les adhérents puissent aller sur la plateforme, qu'ils soient capables d'aller dans des débats ou qu'ils en initient". Le WWF est plus mesuré. Sans vouloir organiser des débats ou juger des questions posées, l'ONG encourage des rencontres sur le modèle des "hackathons" (sessions de réflexion collaboratives), explique Pascal Canfin, directeur général de WWF France. L'idée est de réunir des acteurs des secteurs du logement, du transport et du chauffage et de "les confronter à des demandes concrètes de citoyens" pour élaborer des solutions.
Reste à savoir sur quoi elles déboucheront. "Quand on voit l'extrême naïveté ou l'extrême simplisme des questions posées on se demande vraiment quelle information utile on pourra en tirer pour la politique publique", assène l'ingénieur spécialiste de l'énergie Jean-Marc Jancovici, membre du Haut Conseil pour le climat.
Pour Benoit Hazard, anthropologue au CNRS, en prenant "la question de la transition écologique (...) sous l'angle de la fiscalité, on est dans une forme d'appauvrissement du débat". "Il faut démocratiser, rendre concrète la question du climat." En ouvrant les débats, une attente a été créée, estime le participant au débat parisien Dimitri Carbonnelle. Désormais, "il faut des actions, sinon ce sera pire que tout".