La hausse des émissions européennes de CO2 en 2015 constitue un mauvais signal, près de 5 mois après la COP21. (©Connaissance des Énergies)
Selon les dernières estimations d’Eurostat(1) dévoilées hier, les émissions de CO2 liées à la combustion d’énergies fossiles ont augmenté de 0,7% dans l’Union européenne en 2015. Près des deux tiers des États membres ont vu leurs émissions croître malgré des objectifs de réduction ambitieux au niveau communautaire.
Une hausse des émissions dans la plupart des pays européens...
En 2014, les émissions de dioxyde de carbone provenant de la combustion d’énergies fossiles avaient baissé de 5% dans l’Union européenne par rapport à l’année précédente. En 2015, ces émissions seraient en revanche remontées de 0,7% selon l’organe statistique de l’Union européenne.
Selon les analystes d'Eurostat, cette hausse serait notamment due aux températures, parfois plus douces qu'en 2014 (en début d'année avec une hausse du chauffage) mais plus chaudes en été dans la plupart des pays européens (augmentant les besoins de refroidissement). Parmi les autres éléments d’explication, « la hausse du taux de croissance du PIB(2) a très probablement joué un rôle tout comme la faiblesse du prix des énergies fossiles qui a pu doper les consommations », explique Carole Mathieu, chercheur au Centre Énergie de l’Ifri.
La hausse des émissions est beaucoup plus marquée dans certains pays comme la Slovaquie (+ 9,5%), le Portugal (+ 8,6%) et la Hongrie (+ 6,7%) et concerne également la France (+ 1,7%). Le facteur climatique n'est pas étranger à certaines de ces hausses comme au Portugal où les baisses de précipitations ont impacté la production hydroélectrique et ont entraîné une plus grande utilisation ces centrales au charbon et au gaz.
Quelques exceptions...
Seuls quelques pays ont vu leurs émissions baisser parmi lesquels Malte (- 26,9%), l’Estonie (- 16%) et le Danemark (- 9,9%). A Malte, la mise en place d'une interconnexion électrique avec l'Italie en mars 2015 a permis au pays de réduire drastiquement la production d'électricité à partir de produits pétroliers (Malte importe désormais 65% de son électricité de l'Italie). Le Danemark a pour sa part pu notamment baisser ses émissions grâce à l’augmentation de sa production éolienne (+ 8%) indique Carole Mathieu mais aussi grâce à la hausse de ses importations d’électricité depuis la Norvège et la Suède (les émissions sont ainsi comptabilisées dans ces pays)(3).
L’Allemagne, pointée du doigt en raison de la part importante de charbon dans son mix électrique (42,9%), aurait pour sa part stabilisé ses émissions de CO2 en 2015. Ce pays reste de loin le 1er émetteur de CO2 au sein de l’Union européenne, avec 23% des émissions communautaires alors qu’il compte pour environ 16% de la population de l’UE.
Évolution des émissions européennes de CO2 liées à la combustion d'énergie en 2015 (©Connaissance des Énergies)
… Malgré la hausse des ambitions
En fin d’année dernière s’est tenue à Paris la COP21, grand sommet climatique à l’issue duquel 195 pays (ainsi que l’Union européenne) se sont engagés à réduire leurs émissions en vue de limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C (d’ici à 2100 par rapport aux températures préindustrielles), et si possible à hauteur de 1,5°C.
L’atteinte de l’objectif de 2°C impose une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre : il faudrait, selon les estimations du GIEC que les émissions mondiales baissent de 40% à 70% d’ici à 2050 (par rapport au niveau de 2010) alors qu’elles ont augmenté de 80% entre 1970 et 2010, principalement en raison du doublement de la consommation d’énergie dans le monde sur cette période.
Dans le cadre du Paquet Énergie Climat, les États membres de l’Union européenne se sont engagés à réduire collectivement leurs émissions de gaz à effet de serre de 20% d’ici à 2020 et d’au moins 40% d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990. « L’UE devrait respecter ses engagements pour 2020 puisque qu’une baisse de 23% a été réalisée entre 1990 et 2014 mais la hausse de 2015, même légère, est un mauvais signal », note Carole Mathieu. « Elle interroge sur la capacité de l’Europe à tenir le cap dans la durée et à respecter ses engagements pour 2030 et 2050 », explique-t-elle. Pour rappel, les émissions de CO2 liées à la combustion d'énergie constituent environ 80% de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne.
Répartition des émissions européennes de CO2 liées à la combustion d'énergie en 2015 (©Connaissance des Énergies)