Sables bitumineux (©Suncor Energy Inc.)
Définition et composition
Un sable bitumineux est un mélange de bitume brut, de sable, d’eau et d’argile. Les grains de sable sont enrobés d’une pellicule d’eau sur laquelle se dépose la pellicule de bitume.
Les sables bitumineux, aussi appelée sables bitumeux, sont composés de matières minérales telles que la silice et l'argile (80 à 85%), de bitume brut (7 à 12%) et d’eau (3 à 5%). Il faut environ deux tonnes de minerais de sables bitumineux pour produire un baril de pétrole (159 litres).
Après extraction et transformation des sables bitumineux, on obtient le bitume, un mélange d’hydrocarbures sous forme solide ou se présentant comme un liquide dense, épais et visqueux. La quantité de pétrole à extraire dépend de l’épaisseur du bitume. L’équivalent de 23% de l’énergie contenue dans un baril de pétrole est nécessaire pour produire un baril issu des sables bitumineux (contre 6 à 7% pour un champ terrestre pétrolier classique).
Les gisements de sable bitumineux représentent une importante source de pétrole brut de synthèse qualifiée de « non conventionnelle ». Deux régions dans le monde possèdent la majorité des sables bitumineux : le Canada (dans l'Alberta) et le Venezuela.
Ils sont appelés « oil sands » en anglais. Ils ne doivent pas être confondus avec les schistes bitumineux.
Comment extrait-on des sables bitumineux ?
L’extraction minière dite « à ciel ouvert »
1re étape : l’extraction des sables
Les sables bitumineux se trouvent en profondeur dans les terres. Avant de les extraire, il faut retirer la végétation puis le mort terrain (surface ne contenant aucune matière utile). On y retire le lit de calcaire puis on accède à des mines à ciel ouvert d’une épaisseur allant de 40 à 60 mètres dont on extrait les sables bitumineux.
Cette opération est effectuée à l’aide de camions de l'ordre de 365 tonnes et de grues dont les pelletées pèsent près de 100 tonnes. Le sable est ensuite transporté aux usines d’extraction du bitume.
2e étape : l’extraction du bitume
Le seul procédé industriel est l’extraction à l’eau chaude. Il consiste à placer le sable bitumineux dans des centrifugeuses (tambours rotatifs) et à le mélanger avec de l’eau chaude. Le bitume se sépare du sable et se lie aux bulles d’air créant ainsi une forme de mousse contenant 65% de pétrole, 25% d’eau et 10% de solides.
- Le bitume flotte à la surface, ce qui permet de le récupérer avec un pourcentage de 88 à 95%.
- La mousse est envoyée vers des unités de traitement pour réduire la teneur en eau et en déchets solides du bitume avant son passage en unité de valorisation. Pour cela, la mousse est associée à des diluants (agents solvants de naphta ou de paraffine) afin de réduire sa viscosité, et elle est chauffée.
- La couche intermédiaire, constituée d’un mélange d’eau, de petites particules de bitumes et quelques minéraux, dits « mixtes » est recyclée dans le processus d’extraction.
- Les résidus de sables déposés au fond sont pompés vers une décharge et utilisés dans la construction.
L'extraction in situ ou thermique
L’extraction in situ permet de récupérer du bitume à des profondeurs supérieures à 100 mètres. Précisons que l’extraction minière est difficilement rentable à ces profondeurs.
Il existe deux procédés permettant l’extraction in situ :
- le procédé CSS (Cyclic Steam Simulation) : il consiste à utiliser un même puits alternativement en injection de vapeur et extraction de bitume. La vapeur liquéfie le bitume et rend le pompage possible. Cette technique permet un taux de récupération de 20-25% du bitume ;
- la technologie SAGD (Steam Assisted Gravity Drainage) : cette technologie utilise un système de puits parallèles. De la vapeur d’eau chaude est injectée dans le premier puits permettant la séparation du sable et du bitume. Un mélange d’eau et de bitume remonte par l’autre puits. Ainsi le pétrole peut être extrait et l’eau recyclée. Cette technologie permettrait probablement de porter le taux de récupération à 40% du bitume(1).
La transformation du bitume en pétrole
Deux méthodes sont possibles pour rendre le bitume commercialisable :
- le mélanger avec environ 30% d'hydrocarbures légers. Cette pratique est toutefois freinée par le coût du diluant : le Canada pourrait potentiellement être en pénurie de condensats (pétrole léger formé par des hydrocarbures gazeux condensés après refroidissement) s'il voulait traiter des millions de barils/jour de bitume de cette façon ;
- surcharger le bitume en carbone puis l’hydrogéner pour obtenir un mélange d'hydrocarbures proche d'un pétrole brut de bonne qualité.
Réserves dans le monde et coûts d'extraction
Réalité des réserves et capacité d’extraction
Potentiellement les réserves de pétrole à extraire des sables bitumeux sont considérables. Les prévisions les plus optimistes estiment ces réserves à 1 800 milliards de barils pour le Canada et 1 200 milliards pour le Venezuela. Pour autant les réserves de sables bitumineux récupérables au Canada sont estimées entre 170 et 315 milliards de barils.
Mais le coût, la consommation en énergie et en eau, le besoin de main d’œuvre et l’impact environnemental sont pour l’instant autant de freins à un couronnement définitif de ces deux régions comme les nouveaux Eldorados de l’or noir.
Coût et dépendance des marchés
Le coût de la séparation du sable et du bitume tend à freiner le développement de ce type d’exploitation. En prenant en compte le coût des équipements (extraction et traitement), le NEB (National Energy Board) estime le coût du baril à 18-20 dollars par extraction minière, et à 20-22 dollars par extraction in situ. À titre de comparaison, le coût d’un forage conventionnel en Arabie Saoudite se situe entre 1 et 6 dollars. Si on y ajoute le coût de transformation du bitume en pétrole, on aboutit à un coût total de 36 dollars par baril.
A contrario, le développement de la production commerciale est facilité, les coûts d'exploration étant virtuellement nuls puisque les gisements sont connus, accessibles et sans danger. Au Canada, ils se situent dans une région politiquement stable. La production de sables bitumineux est moins sujette aux fluctuations des cours du pétrole brut à court terme.
Découverte des sables bitumineux
Dès 1742, dans la région de Pechelbronn en Alsace, des tarières (outils permettant de percer le sol) étaient destinées à localiser les filons de sable bitumineux. L'huile était séparée du sable par lessivage à l'eau bouillante, puis distillée pour obtenir des produits pharmaceutiques, de l'huile pour lampe, de la graisse et de la poix.
C’est en 1778 que Peter Pond a localisé les premières sources de bitume dans la région d’Athabasca, mais c’est Robert Fitzsimmons, un entrepreneur, qui est le premier à avoir séparé le bitume du sable et qui l’a utilisé pour recouvrir les routes et les toitures. Si les Amérindiens ont depuis des siècles utilisé ce bitume pour calfater des embarcations, les sables bitumineux n'ont vraiment attiré l'attention de l'industrie pétrolière qu'après les chocs pétroliers.
Selon l'Association canadienne des producteurs pétroliers, la production de sables bitumineux a atteint 1,4 million de barils par jour en 2010, soit environ la moitié de production pétrolière canadienne totale.
Importance des sables bitumineux au Canada
Les réserves sont fortement concentrées dans deux provinces géologiques.
97% des réserves prouvées de pétrole du Canada
C’est au nord de l’Alberta que les principaux gisements de sables bitumineux sont identifiés. À l’ouest, dans la région de Peace River, au sud, Cold Lake et au nord, près de la rivière de l’Athabasca, plus précisément au Fort McMurray. Près de 20 entreprises sont situées en Alberta, dont les deux plus importantes : Syncrude Canada et Suncor/Petro-Canada.
Les sables bitumineux canadiens constituent le 3e plus grand gisement prouvé de pétrole au monde : ces réserves s'élèvent à 166,3 milliards de barils avec les technologies actuelles et le prix du baril de pétrole, soit environ 97% des réserves prouvées de pétrole du Canada(1 et 3).
En mars 2024, les sables bitumineux ont constitué 84,6% de la production pétrolière de l'Alberta et poursuivent une forte croissance qui inquiète les associations environnementales(4).
Ailleurs dans le monde
Le bitume de l’Orénoque au Vénézuela est souvent classé comme brut extra-lourd et non comme sable bitumineux.
Par ailleurs, il existe un vaste gisement en Sibérie Orientale dans la région de l'Olenek. Il se situe sur la côte arctique, le climat extrême et l'isolement expliquent que son exploitation ne soit pas envisagée pour le moment. La Russie possède d'autres dépôts de sables bitumineux dans la région Volga-Oural (Tatarstan et régions voisines), moins vastes que ceux de l'Olenek mais moins difficiles d'accès.
Par ailleurs, des réserves de petite taille existent dans au moins une cinquantaine de pays.
Impact environnemental : pollutions directes et indirectes
En retirant la végétation pour atteindre les couches inférieures, l'extraction minière des sables bitumineux a un impact important sur les écosystèmes. Elle dégage des agents polluants et du méthane dont l’effet de serre est 20 fois plus puissant que le CO2 et de l’anhydride sulfureux, qui est responsable, même en des quantités très faibles, de l’acidification des lacs et des forêts.
Globalement, l'extraction d'un baril de pétrole des sables bitumineux de l'Alberta génère plus de 190 kg de gaz à effet de serre (GES), 3 fois plus que la production d’un baril de pétrole classique.
L’extraction du bitume pose également la question de la bonne gestion des résidus et des eaux usées. En effet, l’eau usée consécutive de l’extraction minière est un mélange toxique qui est rejeté dans d’immenses bassins de décantation. La grande quantité d’eau requise pour le procédé à l’eau chaude (2 à 5 barils d’eau douce pour produire un baril de pétrole) est puisée dans les grands cours d’eau, entraînant un assèchement des sols et une baisse de la nappe phréatique.
Plusieurs voies d’amélioration sont à l’étude pour minimiser ces risques environnementaux :
- l’amélioration de la récupération de l’eau ;
- la réduction de l’utilisation de chaleur et d’eau ;
- la diminution et la remise en état progressive des bassins à résidus.
Le gouvernement canadien s’est engagé à investir 200 millions de dollars par année afin de soutenir la recherche et l’innovation, ainsi que des investissements de 100 millions de dollars pour les producteurs de technologies propres.
Les compagnies exploitant les sables bitumeux
Les deux plus grandes exploitations de sables bitumineux sont menées par Syncrude Canada Limited et Suncor Energy. Les Sables Albiens sont un projet plus petit de Shell Canada.
La majeure partie de la production ou des développements en cours dans les sables de l'Athabasca incluent les projets suivants :
- les mines de Steepbank et millenium (400 000 barils / jour) ;
- les mines de Mildred Lake and Aurora (350 000 barils / jour) ;
- le projet in-situ SAGD à Long Lake (240 000 barils / jour) ;
- le projet in-situ Horizon du CNRL (300 000 barils / jour) ;
- le projet de Fort Hills (160 000 barils / jour) ;
- la mine de Kearl de l'Imperial Oil (100 000 barils / jour).
Un accord a été signé entre PetroChina et Enbridge pour construire un pipeline entre Edmonton en Alberta et le port de Kitimat, en Colombie-Britannique sur la côte ouest, pouvant acheminer l'équivalent de 400 000 barils par jour, dans le but d'exporter le pétrole brut synthétique des sables bitumineux en Chine et ailleurs dans le Pacifique.
Total a signé en juillet 2010 un accord pour acheter le canadien UTS Energy et en décembre 2010, le groupe a également mis en place de nouvelles alliances avec Suncor (projets Fort Hills, Voyageur, Joslyn).
Total a participé également au projet Sincor au Venezuela, qui exploite le pétrole brut extra-lourd de la Ceinture de l’Orénoque. Ce projet, contrôlé à 47% par Total, à 38% par Petroleos de Venezuela (PDVSA) et à 15% par le Norvégien Statoil, produit 200 000 barils par jour.
L'Inde a également investi plus de 10 milliards de dollars dans l’exploitation des sables bitumeux au Canada.
Fin 2023, TotalEnergies a conclu des contrats pour la cession de sa participation dans le gisement canadien de Surmont au groupe américain ConocoPhillips et avec Suncor pour le reste de ses opérations au Canada(2).