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La décision de prolonger comptablement à 50 ans la durée de vie des centrales nucléaires françaises d'EDF est "déjà prise", a assuré mardi l'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho, dans un entretien au quotidien spécialisé Enerpresse.
"Nous devons prolonger de manière comptable notre parc à 50 ans. Cette décision, de bon sens, est d'ailleurs déjà prise, elle figure dans la décision tarifaire de juillet dernier", avance la députée PS des Deux-Sèvres. Mme Batho fait allusion au fait qu'en juin dernier la Commission de régulation de l'énergie (CRE) avait établi deux scénarios pour la hausse des prix de l'électricité de juillet, suivant que les centrales nucléaires d'EDF étaient amorties comptablement en 40 ans ou en 50 ans.
Dans le premier scénario, une hausse de 9,6% du tarif réglementé d'EDF était nécessaire, selon la CRE. Dans le scénario à 50 ans, l'augmentation n'était que de 6,8% en 2013. Dans les deux cas, la CRE recommandait +3,2% en 2014, +3,2% en 2015, ainsi qu'un rattrapage de 7,4% au titre de 2012. Soit une hausse totale de 22 ou de 25% suivant les scénarios.
Le gouvernement a finalement décidé d'une hausse de 5% en 2013, puis de 5% en 2014. Selon plusieurs sources proches du dossier, une hausse supplémentaire de 5% en 2015 est d'ores et déjà décidée, même si le gouvernement refuse de la confirmer. Ce rythme est plus proche du scénario "à 50 ans", souligne Mme Batho. "De fait, au regard du rapport de la CRE sur les coûts, le scénario tarifaire qui est retenu est celui de la prolongation comptable du parc à 50 ans", a-t-elle déclaré à l'AFP mardi.
Mais, selon l'ex-ministre, cette opération comptable ne signifie ni que tout le parc ira jusqu'à 50 ans, ni que l'objectif présidentiel de ramener la part de l'électricité nucléaire à 50% en 2025 est jeté aux orties. "Amortir à 50 ans le parc dans les comptes d'EDF est compatible avec le fait que certaines centrales fermeront à 40 ans de durée de vie, et d'autres seront prolongées jusqu'à 60 ans", déclare Mme Batho à Enerpresse.
"Cela permettra de réduire de 3% chaque année la hausse des prix de l'électricité pour les ménages et cela générera des recettes fiscales et des dividendes pour l'État, dont je souhaite qu'ils soient entièrement réinvestis dans la transition énergétique", souligne-t-elle. "Soyons clairs: il n'y a pas de contradiction entre la prolongation comptable de l'amortissement du parc et la réduction de la part du nucléaire", ajoute Mme Batho.
Son successeur, Philippe Martin, a assuré devant les députés à la mi-octobre que la décision sur les amortissements d'EDF n'avait pas été prise. Même si elles sont liées, la prolongation comptable reste distincte de la prolongation à 50 ans de la durée de vie effective, qui doit faire l'objet d'une décision de principe de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en 2015.
L'opération comptable, en réduisant les sommes dévolues chaque année aux amortissements par EDF, permet mécaniquement d'augmenter sa rentabilité et donc les dividendes versés à l'Etat, qui détient 84,4% de l'opérateur historique.
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé, lors de la conférence environnementale, que le parc nucléaire contribuerait au financement de la "transition énergétique" en France. Ce choix serait grandement facilité en étalant l'amortissement du parc nucléaire français, alors qu'EDF met la dernière main à un plan de "grand carénage" de ses 58 réacteurs, pour 55 milliards d'euros.
Mme Batho souligne d'ailleurs que "tout ceci n'a de sens à (s)es yeux que si la part de l'État dans le capital d'EDF n'évolue pas à la baisse", le cas inverse entraînant une réduction des dividendes allant dans les finances publiques.