Equateur et Colombie : une grave sécheresse et une double crise hydrique et énergétique

  • AFP
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La Colombie et l'Equateur, deux puissances hydroélectriques voisines dépendantes l'une de l'autre sur le plan énergétique, font face à une grave sécheresse qui les expose à des pénuries et rationnements sans précédent.

Tour d'horizon des multiples raisons à cette crise à la fois hydrique et énergétique.

1. Un climat anormalement chaud

Au cours des dernières décennies, le réchauffement de la planète et la croissance démographique ont réduit la disponibilité en eau de la Colombie et de l'Equateur qui ont des mix énergétiques très dépendants des précipitations : respectivement 70% et 92% de leur électricité sont produits grâce à des centrales hydroélectriques, selon les ministère de l'Énergie des deux pays. Leur part de photovoltaïque et d'éolien est respectivement de 5% et moins de 1%.

Le phénomène climatique cyclique El Niño, particulièrement puissant cette année, a amplifié la hausse des températures dans la région et l'Equateur a connu une période "anormalement sèche" au cours de ces derniers mois, selon son agence climatique. Un fort déficit de précipitations a frappé la région d'Azuay (sud), où se situent les réservoirs de Mazar et Paute, fournissant 38% de l'électricité du pays.

En Colombie, la sécheresse a accentué les départs d'incendies qui ont ravagé plusieurs dizaines d'hectares de végétation depuis janvier, y compris dans la partie amazonienne, région habituellement très humide. A Bogota, dix millions d'habitants sont soumis à un rationnement en eau depuis le 11 avril.

2. Des réservoirs dans le rouge

En Colombie, les réserves d'eau alimentant le système énergétique ont atteint des niveaux historiquement bas, remplis à seulement 30% de leurs capacités. Le réservoir d'El Peñol (nord-ouest), le plus grand du pays, a même atteint un seuil critique de 25%.

Les centrales thermoélectriques (gaz et charbon) ont alors dû fonctionner à plein régime pour approvisionner la population. Les réserves remplies pendant la saison des pluies et le parc "en très bon état" ont permis d'éviter un rationnement électrique, explique Ismael Suescun, ingénieur et professeur retraité de l'université d'Antioquia.

En revanche, en Equateur, où le barrage de Mazar était à sec à la mi-avril, un rationnement énergétique a été décrété, quelques jours avant une consultation populaire qui a décidé de durcir les lois contre le trafic de drogue.

Le président équatorien, Daniel Noboa, a dénoncé un "sabotage", sous-entendant que le barrage de Mazar avait été vidé intentionnellement, mais des images fournies par la société de satellites Planet à l'AFP montrent plutôt une baisse continue des niveaux d'eau du barrage entre janvier et avril plutôt qu'une baisse soudaine.

Par ailleurs, la Colombie a dû se résoudre mi-avril à cesser ses exportations d'électricité vers l'Équateur, aggravant la crise chez son voisin, qui a ordonné des coupures d'électricité quotidiennes pouvant aller jusqu'à 13 heures.

Mais lundi, à la faveur des pluies revenues, le président colombien Gustavo Petro a annoncé sur son compte X que son pays était "sur le point de recommencer à vendre de l'énergie à l'Equateur", les réservoirs colombiens se remplissant à nouveau.

3. Des infrastructures vieillissantes

Pour Jorge Luis Hidalgo, consultant en énergie, la crise équatorienne a un "péché originel": les sociétés minières et autres grandes entreprises bénéficient de tarifs presque dix fois moins élevés que le prix payé par l'Etat pour les importations en provenance de Colombie.

L'argent qui entre dans le pays est donc insuffisant pour développer les infrastructures et assurer "l'entretien et les opérations". Il s'agit d'un système qui ne laisse aucun "retour sur investissement", poursuit-il.

Du côté colombien, les infrastructures n'ont pas été développées au rythme de la croissance démographique. M. Petro a notamment été critiqué après avoir renoncé, pour des raisons environnementales, à la construction d'un nouveau réservoir lorsqu'il était maire de Bogota (2012-2015).

Celui-ci a défendu sa décision et a imputé la pénurie actuelle au "grand processus d'urbanisation et à l'augmentation insoutenable de la demande en eau".

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